L'homme est un ours qui a mal tourné

Désormais à la retraite, Jan revient s'établir dans sa ville natale, près des Pyrénées, où un climat de peur s'est installé depuis la disparition de Laura Etxemendy. Il y retrouve Artur – dit l'Ours – son ami de toujours qui traverse une grave dépression et Céline, son amour de jeunesse, confidente attentionnée.Pour Jan, c'est l'heure du bilan. Les souvenirs remontent à la surface: le traumatisme du service militaire, sa carrière de cadre à travers l'Europe, les femmes de sa vie qui toutes l'ont quitté...Le narrateur nous plonge tantôt dans les années 80, tantôt dans une actualité qui porte encore les stigmates d'une jeunesse vécue à pleines dents.> une variation sur la maturité masculine : le roman met en scène en « miroir » l'itinéraire de deux amis – deux frères en quelque sorte – qui connaissent des trajectoires contraires. Jan a réussi sa vie professionnelle, et curieusement, alors qu'il regagne sa terre natale pour y vivre en principe le troisième tiers de sa vie (retraite), va entamer une nouvelle jeunesse, symbolisé par un nouvel amour. A l'inverse, il assiste à la « descente aux enfers » de son ami Artur, qui est resté au pays, a fait fortune dans son secteur d'activité, entretient une relation forte et sérieuse (mais clandestine) avec une toute jeune femme... Mais ce bonheur, cette femme, lui est ravie (disparition, piste criminelle), et le monde se dérobe sous ses pieds.> codes du roman de genre : le roman joue habilement des registres de 3 genres romanesques :– le roman noir : au second plan, la disparition de Laura, une enquête policière (vue de très loin), la rumeur d'un serial killer, le parfum sulfureux du fait-divers, l'amant clandestin qui est soupçonné...– le roman d'anticipation : l'histoire se déroule dans une grande ville « au pied des Pyrénées » [on devine Pau, grimée], dans un futur proche. Il est questions d'élection présidentielle et de poussée des extrêmes.– le romantisme fantastique : certains passages oniriques font songer au Grand Meaulnes, la sentimentalité échappe par cet artifice à la mièvrerie, et en devient touchante.> une chanson d'Alain Souchon : le sentiment amoureux est évoqué très subtilement. Ces deux hommes, Jan et Artur, ont vécu, ont connu des femmes, ils ne sont pas les perdreaux de l'année. Pourtant, c'est avec un mélange de recul et de candeur qu'ils vivent chacun ce nouvel amour, total, passionnel, un amour si grave qu'il est, en dépit des apparences, une « ultime première fois », pur et irremplaçable.